Le réalisateur Ghassan Salhab répond à nos questions

Ghassan Salhab était présent lors de la projection de deux de ses films aux Variétés, Terra incognita et Beyrouth fantôme, lors du festival Cinéma(s) du Liban organisé par Aflam

A.D. : Comment perçois-tu Marseille ?

Ghassan Salhab : J’aime cette ville parce qu’elle me procure des sensations, je m’y sens bien même physiquement. C’est une ville où je me trouve. Je m’y sens à la fois familier et étranger. Je suis né au Sénégal et je vis entre Paris et Beyrouth. Marseille est une ville qui fait le lien et qui m’apaise.

A.D. Penses-tu que ce soit la Méditerranée ?

Ghassan Salhab : Non, New York me fait la même chose mais pas Tunis. À Marseille, il n’y a pas cette hystérie du monde moderne, pas comme à Paris ou à Beyrouth.

A.D. Comment vois-tu le cinéma libanais ?

Ghassan Salhab : Je ne pense pas que l’on puisse parler de « cinéma libanais » mais plutôt de « cinéma du Liban ». C’est un cinéma balbutiant, en plein renouveau et dont la production est de plus en plus régulière. Je pense que plus on fait de films et plus on voit émerger des distinctions, des différences, plus on se distingue entre cinéastes. Ici, au festival « cinéma(s) du Liban organisé par Aflam, on voit la palette large que produit ce cinéma venu du Liban, on assiste à la multiplicité des directions et des démarches artistiques des cinéastes actuels, vis-à-vis desquels je me situe à la marge.

Il faut toutefois faire attention parce qu’ici, en France, on est Libanais et cinéaste, moi je me considère avant tout comme cinéaste. Il faut arrêter de dire « un film libanais », mais plutôt « un film de un tel ou un tel ». Parfois on a l’impression qu’en tant que cinéaste libanais on est une extension des news.

A.D. Ne trouves-tu pas que ce cinéma du Liban est un peu trop centré sur la guerre ?

Ghassan Salhab : Non, beaucoup de films ne traitent pas que de la guerre. Il y a différentes démarches, mais comme la guerre reste une réalité permanente, elle influence la création, elle est un contexte, elle fixe le cadre. Certes, certains cinéastes utilisent la guerre pour faire du cinéma, moi je ne suis pas dans cette démarche-là. Le problème c’est que l’on a tendance à voir le Liban uniquement comme une actualité tragique, un drame, une information dans le journal. Il faut voir les films pour ce qu’ils sont, et non pas pour les interpréter. De toute façon, on n’est pas là pour éduquer les gens mais je pense qu’il faut sortir de ce regard anthropologique permanent dès qu’il s’agit d’un film arabe. En revanche, si des gens veulent regarder un film carré, avec une histoire simple et rien d’autre, moi ça ne m’intéresse pas, en tout cas ce n’est pas ma démarche.

A.D. Penses-tu que les spectateurs abordent systématiquement ce cinéma avec un regard orientaliste ?

Ghassan Salhab : Oui, mais le monde arabe produit lui-même de l’orientalisme et l’attise. On se trouve dans une relation dominant / dominé. L’Extrême-Orient s’en est détaché, ça se voit dans son cinéma, les exemples des cinémas sud-coréens ou japonais sont flagrants pour ça. Le monde arabe continue lui de faire du « film » mais pas du cinéma. Le Liban n’est pas quant à lui un pays de cinéma comparé à des pays européens, latino-américains ou asiatiques, mais je pense qu’on va finir par prendre nos « lettres de cinéma » !

Propos recueillis par Assaf Dahdah

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